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Dix ans après l'interdiction des mines, il y a une victime toutes les 30 minutes

La route vers un monde sans mines reste longue

Les Etats doivent continuer à déminer, détruire leurs stocks et venir en aide aux survivants. Handicap International en appelle aussi aux gouvernements afin qu'ils s'impliquent dans le processus d'Oslo qui doit interdire les armes à sous-munitions.

Il y a dix ans était organisée à Bruxelles une conférence destinée à préparer le terrain en vue de l'élaboration d'un traité d'interdiction des mines terrestres. Deux années plus tôt, la Belgique avait été le premier pays à adopter une loi interdisant les mines antipersonnel et, en 1992, plusieurs organisations non gouvernementales avaient lancé un appel en faveur d'une interdiction des mines. « Aujourd'hui, on peut dire que les mines sont quasi interdites. Cependant, il reste pas mal d'actions à entreprendre pour que ce traité soit effectivement appliqué. » C'est ce que déclare Stan BRABANT, responsable de l'Unité Politique de Handicap International, au cours de la célébration du dixième anniversaire du Traité d'Ottawa au Palais d'Egmont, à Bruxelles. « Jusque 500.000 survivants d'accidents dus aux mines et à d'autres engins explosifs n'ont pas encore reçu le soutien auquel ils ont droit et qui les mettrait en mesure d'occuper en toute dignité leur place dans la société. Se basant sur son expérience acquise sur le terrain, Handicap International réitère son appel à ne pas relâcher les efforts mais à continuer à investir dans le déminage et les autres actions préventives, ainsi que dans l'attention et l'aide apportées aux survivants et à leurs communautés. » Stan BRABANT adresse son appel aux gouvernements et à l'Union Européenne dans le but d'assurer les fonds nécessaires. Il insiste pour que le monde politique accroisse la pression sur les Etats pour que le Traité soit intégralement mis en oeuvre.

Toutefois, nous sommes confrontés aujourd'hui à un autre grand défi : les armes à sous-munitions. Elles tuent et mutilent des civils, disloquent les communautés : « Nous devons d'urgence parvenir à un nouveau Traité qui concerne les armes à sous-munitions. C'est pourquoi nous lançons avec insistance un appel aux Etats afin qu'ils s'impliquent totalement dans le processus d'Oslo », ajoute Stan BRABANT. Le Traité d'Ottawa est pour ainsi dire le précurseur du futur Traité d'interdiction des armes à sous-munitions. Il peut constituer un guide pour atteindre le but recherché.

Avec actuellement 153 Etats qui s'y sont ralliés, le Traité d'Ottawa a pratiquement mis un terme à l'utilisation généralisée de mines antipersonnel. Il a fait s'effondrer le marché de ces armes et a bloqué pour le moment la mise au point de nouveaux modèles de mines antipersonnel, et cela en dépit du fait que d'importants utilisateurs, producteurs et détenteurs de stocks de ces armes s'en sont jusqu'à présent tenus à l'écart. Cela signifie qu'un traité sur les armes à sous-munitions peut débarrasser le monde de ces armes, même si des acteurs de première importance comme les USA, la Russie et la Chine n'y adhèrent pas. Un traité politique autour d'une interdiction frappant les armes à sous-munitions, massivement soutenu par de nombreux pays et par le monde humanitaire, reflétant l'opinion mondiale, prendrait la valeur d'une norme éthique internationale.

Grâce au Traité d'Ottawa, les stocks de mines antipersonnel ont pu être inventoriés, leur destruction imposée et contrôlée. Les Parties au Traité ont ainsi détruit quelque 40 millions de mines antipersonnel en stock. Il en reste cependant encore 160 millions à détruire dans le monde.

Aujourd'hui, 75 états détiennent dans leurs stocks des millions de sous-munitions : En 2005, les Etats-Unis possédaient à eux seuls 730 millions de sous-munitions. En tout, quelque 4 milliards de sous-munitions sont entreposées dans le monde. Dans le cas des sous-munitions, le danger de prolifération est donc encore plus grand : il s'agit d'une menace réelle pour la paix mondiale. C'est bien pour cela que les armes à sous-munitions doivent être sans délai interdites et détruites. Quel bénéfice cela apporte-t-il en effet d'interdire les mines antipersonnel si elles sont remplacées par des sous-munitions ?

Après le Traité d'Ottawa, un instrument particulièrement efficace a été créé : l'Observatoire des Mines. Son activité consiste à rassembler toutes les données disponibles sur le déminage, la mise en garde contre les risques et le soutien apporté aux survivants, de même qu'à suivre année après année l'évolution dans ces domaines. Cela incite les Etats à mettre à exécution leurs engagements.

En même temps, l'Observatoire des Mines a été davantage qu'une enquête sur les mines terrestres. Les victimes des sous-munitions leur ont posé cette question vitale : Pourquoi les mines sont-elles interdites et les armes à sous-munitions pas (encore) ? Et outre les victimes de sous-munitions, chaque personne handicapée rencontrée les a mis devant le fait d'un manque criant de moyens pour aider ce groupe de personnes, en fait les plus pauvres parmi les pauvres. Nous avons aujourd'hui une Convention sur les Droits de la Personne handicapée. Les victimes des mines et des sous-munitions peuvent également y trouver un appui pour revendiquer leurs droits. Quoi qu'il en soit, le traité sur l'interdiction des armes à sous-munitions devra aussi inclure un volet solide consacré à l'aide aux survivants.

L'équipe de chercheurs de Handicap International a alimenté la campagne contre les armes à sous-munitions en 2006 en apportant des données scientifiques sur l'impact humain des sous-munitions de par le monde. Nous avions bien compris que la plupart des victimes des sous-munitions étaient des civils. Personne cependant ne savait que leur pourcentage atteignait 98%. Nous soupçonnions bien que les sous-munitions brisaient la vie de communautés entières, mais maintenant une équipe de chercheurs de Handicap International a rassemblé de solides données sur l'impact des sous-munitions sur des communautés dans le monde entier. Le public pourra en prendre connaissance dans quelques jours.