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Congrès mondial des sourds

Le sort des malentendants des pays pauvres à l'ordre du jour

Montréal a été l'hôte du 14e Congrès mondial des sourds, un événement qui réunit plus de 2000 personnes tous les quatre ans. Même si la grande réunion de cette année, qui a eu lieu au Canada pour la première fois, se tient dans un pays riche, les malentendants du monde entier n'ont pas l'intention d'oublier leurs frères des pays pauvres. Dans la multitude de sujets qui seront abordés au Palais des congrès tout au long de la semaine, une place importante sera réservée à la situation des sourds dans les pays en voie de développement. D'autant que 80 % des 70 millions de malentendants de la planète habitent dans ces pays.


Nombreuses difficultés

Dans une entrevue à quatre -- interprètes obligent -- la présidente de la Fédération mondiale des sourds, Liisa Kauppinen, a expliqué au Devoir toutes les difficultés que rencontrent les malentendants démunis. «Les sourds dans ces pays n'ont pas accès à l'école dans la langue des sourds. Ils sont vus comme des handicapés. Quand tu n'as pas d'éducation, tu ne peux pas militer pour avoir plus de droits et de reconnaissance, parce qu'il te manque des connaissances. La situation ne s'améliore donc pas.»

Un aspect qui s'ajoute aux embûches quotidiennes, puisque les sourds de ces pays n'ont pas de téléphones adaptés, pas d'émissions de télévision sous-titrées, pas d'aide d'un interprète pour les problèmes judiciaires... Sans compter les difficultés à communiquer avec leur gouvernement et la discrimination de la population en générale.

Il faut d'ailleurs commencer par répandre l'information sur la condition des sourds, pense Liisa Kauppinen, dont la Fédération compte 126 pays affiliés. «Un des grands problèmes reste l'ignorance, soutient-elle. Les gens ont peur des personnes différentes, peut-être encore plus dans les pays en voie de développement. Il faut que les gens dans les pays riches militent avec eux pour les aider à informer le public.»


Autre difficulté : la pauvreté. «Beaucoup de gouvernements disent qu'ils n'ont pas d'argent pour la population en général, alors encore moins pour les sourds seulement, souligne Liisa Kauppinen. Et quand les États ont un peu de ressources, les malentendants sont souvent incapables de faire des demandes, parce qu'ils ne connaissent pas leurs droits et ne savent pas comment les faire valoir.»

Lors de la conférence de l'après-midi, entièrement consacrée aux pays en voie de développement, Henry Mejia Royet, directeur général de la Fédération nationale colombienne des sourds, a lancé un vibrant plaidoyer -- gestuel, il va s'en dire -- pour que les gouvernements, même les moins nantis, prennent toutes les mesures possibles pour donner aux malentendants les mêmes droits que les autres. Surtout en éducation, la base sur laquelle bâtir la lutte pour l'égalité. «Sans éducation, il n'y a pas d'emploi, pas de richesse, pas de leadership, pas de paix, a-t-il affirmé devant plus de 400 personnes. Il faut que la langue des signes soit enseignée partout, c'est comme ça qu'on pourra faire des progrès.»

Henry Mejia Royet n'a pas seulement blâmé les différents gouvernements. «C'est à nous tous de nous regrouper et de nous battre pour nos droits, mentionne-t-il. Il faut d'abord connaître les lois, s'informer et informer le public. C'est avec l'implication active de chacun partout dans le monde que la Fédération des sourds sera plus forte. Nous sommes responsables de l'avenir.»